Nous verrons tour à tour :
- l'initiative directe,
- l'irrecevabilité financière,
- les spécificités des projets de loi et en particulier l'étude d'impact,
- l'examen du texte en commission législative
- le droit d'amendement,
- et la fixation de l'ordre jour.
Autant de points différents qui démontrent qu'un texte de loi, quelle que soit sa nature (loi constitutionnelle, organique ou ordinaire), ne saurait être présenté sans un important travail en amont, dans le respect des délais impartis. Aussi est-il juridiquement impossible qu'un texte législatif soit présenté au débotté en pleine séance publique à l'Assemblée nationale ou au Sénat. La phase préparatoire de la loi est un préalable impératif à toute discussion législative dans les hémicycles.
L’INITIATIVE DIRECTE DE LA LOI
Dans les faits, les lois effectivement adoptées tirent souvent leur origine d'un projet (donc d'une initiative gouvernementale).
De droit, les textes de lois de finance et de financement de la sécurité sociale, les ordonnances mais aussi l'approbation d'accords internationaux résultent exclusivement et initialement d'une initiative de l'exécutif.
ART-39 de la Constitution [le dépôt des projets et des propositions]
Art. 39 al. 3. La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.= LO n° 2009-403 + Décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009]
Crédits : legifrance.gouv.fr. Le dépôt d'un projet de loi emporte les effets suivants :
- il fait courir des délais pour la discussion en séance du projet (cf. l’article 42 de la Constitution pour les projets de loi ordinaire, l’article 46 pour les projets de loi organique, l’article 47 pour les projets de loi de finances et l’article 47-1 pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale). Pour le projet de loi de finances, ces délais partent du dépôt de la dernière des annexes budgétaires (« bleus ») ;
- le texte déposé ne peut être modifié que suivant la procédure de la « lettre rectificative » ou par voie d'amendement lors de son examen par le Parlement.
Les projets de loi déposés peuvent être retirés par le Premier ministre (secrétariat général du Gouvernement) à tout moment jusqu’à leur adoption définitive ( article 84 du règlement de l’Assemblée nationale ; article 25 du règlement du Sénat).
Artcle 39 al. 5. Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose.
L'exposé des motifs est l'occasion de présenter la pertinence et l'opportunité d'un projet mais aussi de l'inscrire dans un contexte social, économique, sociétal... Des éléments factuels, philosophiques, éthiques qui ne contiennent aucun élément normatif peuvent ainsi apparaître dans le projet de loi (mais pas dans les articles).
Précisions quant à la caducité d'un projet de loi
Crédits : legifrance-gouv.fr
Règles relatives à la caducité des projets de loi à l'expiration d'une législature :
- les textes en instance au Sénat ne sont pas affectés
par le changement de législature
- ceux dont l'Assemblée nationale était encore saisie au moment où ses pouvoirs ont expiré deviennent caducs, dès lors qu'ils n'étaient pas définitivement adoptés.
Les projets de loi peuvent être redéposés sur le bureau de l'Assemblée nouvellement élue. Pour en savoir plus : que deviennent les textes en instance à l'Assemblée à la fin de la législature ? et l'application des règles de la caducité des propositions et projets de loi au Sénat.
Les textes déposés (statistiques)
Données enregistrées au 31 janvier 2021 Source : AN
Projets et propositions de loi déposés
Session 2020-2021 | XVe législature | |
Nombre de projets de loi déposés ou transmis | 28 | 285 |
dont conventions | 5 | 89 |
Nombre de propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale | 192 | 1 839 |
D’origine Assemblée nationale | 182 | 1 679 |
D’origine Sénat | 10 | 160 |
Ne sont pris en compte que les textes enregistrés en première lecture.
L'irrecevabilité financière de certaines initiatives parlementaires
Afin d'éviter la "démagogie parlementaire", nos représentants ne peuvent proposer de créer ou d'aggraver une charge publique ou de diminuer les ressources publiques (d'Etat, des collectivités...). L'article 40 de la Constitution illustre parfaitement la méfiance de nos institutions envers les parlementaires.
ART- 40 de la Constitution
Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.
Les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables.
Tout dépôt d'une proposition parlementaire fait l'objet d'un examen du bureau de la chambre. Celui-ci peut ainsi déclarer irrecevable toute proposition qui contreviendrait à l'article 40. Quant aux amendements, ils peuvent être examinés par la commission des finances qui prononcent ainsi un avis (souvent suivi), si l'amendement survient en séance, le président de la chambre doit le rejeter s'il contrevient à l'article 40. Cependant la réciproque n'est pas vraie. Le gouvernement peut parfaitement alourdir une charge et diminuer des ressources publiques et le Parlement ne peut en faire un argument juridique pour rejeter cette initiative gouvernementale (mais pourquoi pas en faire un argument politique).
Fiche
synthétique les recevabilités financières des initiatives parlementaires
L'article 40 de la Constitution ne se limite pas à l'examen du projet de loi de finances. Il s'applique en toutes circonstances.
Une étude d'impact préalable est obligatoire pour certains projets
L'étude d'impact préparé par les services du ministère concerné est un document fort volumineux.
Toutefois des projets de loi (et non des moindres) sont dispensés de cette formalité, à commencer par celui de la loi de finances.
Ces documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle législation.
Ils exposent avec précision :
― l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ;
― l'état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les domaines visés par le projet de loi ;
― les modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires proposées ;
― les conditions d'application des dispositions envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités ;
― l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;
― l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l'emploi public ;
― les consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'Etat ;
― la liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires.
Attention !
- aux projets de révision constitutionnelle,
- aux projets de loi de finances,
- aux projets de loi de financement de la sécurité sociale,
- aux projets de loi de programmation visés au vingt et unième alinéa de l'article 34 de la Constitution ainsi qu'
- aux projets de loi prorogeant des états de crise [état de siège ou état d'urgence].
Les dispositions des projets de loi par lesquelles le Gouvernement demande au Parlement, en application de l'article 38 de la Constitution, l'autorisation de prendre des mesures par ordonnances sont accompagnées, dès leur transmission au Conseil d'Etat, des documents visés aux 2e à 7e alinéas et à l'avant-dernier alinéa de l'article 8 [on parle alors de fiches d'impact]. Ces documents sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi comprenant les dispositions auxquelles ils se rapportent.
L'article 8 n'est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l'article 53 de la Constitution. Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné de documents précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, analysant leurs effets sur l'ordre juridique français et présentant l'historique des négociations, l'état des signatures et des ratifications, ainsi que, le cas échéant, les réserves ou déclarations interprétatives exprimées par la France.
- Article 39 de la Constitution
- Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
-
- Lois organiques et ordinaires (articles 8 et 11 de la loi organique n° 2009-403 modifiée) : voir aussi la circulaire du Premier ministre du 15 avril 2009 ;
- Lois de finances (article 12 de la loi organique n° 2009-403, modifiant l'article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances) ;
- Lois de financement de la sécurité sociale (article 12 de la loi organique n° 2009-403, modifiant l' article LO 111-4 du Code de la sécurité sociale).
- Circulaire du Premier ministre du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d'égalité entre les femmes et les hommes
L'examen des textes en commission
L'ancien Premier ministre, Manuel Valls, accompagné du secrétaire d'Etat en charge des relations avec le Parlement (à gauche) en discussion à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il s'agit pour M. Valls de défendre le projet de loi constitutionnelle sur la protection de la nation.
Certains de ces travaux sont diffusés sur les chaînes parlementaires
La participation des ministres aux travaux législatifs des commissions est de droit (CC, n° 2009-579 DC du 9 avril 2009). C'est aux ministres qu'il appartient de présenter, d'expliquer et de défendre les projets et les amendements du Gouvernement, ainsi que la position de celui-ci sur les amendements parlementaires, mais ils peuvent se faire assister de commissaires du Gouvernement. Or en vertu de l'article 117-1 al. 3 du RAN : Les membres du Gouvernement n’assistent pas aux votes en commission.
Les amendements (initiatives indirectes)
Le droit d'amendement est individuel mais il peut être soutenu par plusieurs parlementaires. Il est écrit et présente un exposé sommaire
Crédits : legifrance
Les amendements ont pour objet de modifier un texte soumis à la délibération d'une assemblée. Ainsi, ils portent suppression, nouvelle rédaction, substitution, insertion ou complément. Ils peuvent également introduire des articles additionnels.
Un amendement ne peut porter que sur un seul article. Si les modifications envisagées portent sur plusieurs articles, il convient de déposer autant d'amendements qu'il y a d'articles. Par ailleurs, lorsque plusieurs modifications d'un même article sont envisagées, sauf si elles sont de pure conséquence, il est préférable de déposer plusieurs amendements distincts.
Les amendements des membres du Parlement cessent d'être recevables après le début de l'examen du texte en séance publique. Les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles est fixée une date antérieure à compter de laquelle ces amendements ne sont plus recevables. Ces délais ne s'appliquent pas aux sous-amendements.
Après l'expiration de ces délais, sont seuls recevables les amendements déposés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond. Ces délais peuvent être ouverts de nouveau pour les membres du Parlement dans les conditions prévues par les règlements des assemblées.
Preuve s'il en est de l'importance de proposer des amendements en commission... l'article 44 al. 2.
Le sourcing des amendements
Nombre d'amendements résultent d'un travail de lobbying. Autrement dit, des groupes d'influence gravitent autour des parlementaires (et des ministres) afin de leur suggérer de modifier tel texte de loi en faveur des intérêts qu'ils défendent. Dans un souci de transparence, des parlementaires affichent les sources de leurs amendements (=sourcing). Juridiquement, rien ne les y oblige.
Fixation de l'ordre du jour
La conférence des présidents de la XVe législature, présidée par Richard FERRAND, président de l'Assemblée nationale
La fixation de l'ordre du jour
est une étape cruciale pour que le texte de loi soit effectivement débattu en séance publique. Il revient à la conférence des présidents, dans laquelle sont représentés le président, les vice-présidents
de la chambre, les présidents des commissions permanentes, le rapporteur général de la commission des finances, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, le président de la commission chargée
des affaires européennes et les présidents des groupes, d'adopter l'ordre du jour en concertation avec le gouvernement qui peut y envoyer l'un de ses représentants (en principe, le ministre en charge des relations avec le parlement).
- des projets de loi de finances,
- des projets de loi de financement de la sécurité sociale,
- et, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant [hors semaine consacrée au contrôle du gouvernement], des textes [projets ou propositions] transmis par l'autre assemblée depuis 6 semaines au moins,
- des projets
relatifs aux états de crise [état d'urgence, état de siège] et
- des demandes d'autorisation visées à l'article 35 [guerre, prolongation d'une intervention armée hors de nos frontières (OPEX)]
Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d'octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin.
Le nombre de jours de séance que chaque assemblée peut tenir au cours de la session ordinaire ne peut excéder cent vingt. Les semaines de séance sont fixées par chaque assemblée.
Le Premier ministre, après consultation du président de l'assemblée concernée, ou la majorité des membres de chaque assemblée peut décider la tenue de jours
supplémentaires de séance.
Les jours et les horaires des séances sont déterminés par le règlement de chaque assemblée.
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